Barre d'onglets

mardi 26 avril 2016

Le Carnaval aux Corbeaux d'Anthelme Hauchecorne, pour petits et grands, adultes et enfants méchants

Salut les explorateurs des pages cornées. Aujourd'hui au menu, je vous propose un délice bien chargé, une bombe en bouche pleine de rimes rythmées et d'odeurs festives, aromatisées à la pomme d'amour et à la pisse-trouille, sur son lit d'ectoplasme et de spectres macabres ! Vous avez toujours faim ? Alors c'est parti, et bon appétit bien sûr !



 (*cri d'épouvante*)

  Le Carnaval aux Corbeaux, est le premier tome d'une série intitulée Le Nibelung, paru aux éditions du Chat Noir, écrit par Anthelme Hauchecorne, et illustré par Loïc Canavaggia et Mathieu Coudray.  - D'ailleurs je remercie la maison d'édition qui m'a envoyée un marque page avec ; j'ai beau lire des bouquins à la pelle, je n'ai jamais eu la présence d'esprit de m'en procurer un chouette. Celui-là il a une citrouille dessus et me souhaite une joyeuse Halloween tout au long de l'année, alors je vous remercie si vous passez par là ! ("Lulla, personne passe jamais par là... - Bobby, va bien te faire voir !") Trêve de bavardages, il est temps de rentrer un peu plus dans le vif du sujet, et mon dieu que j'ai des choses à dire.

  Je tiens à préciser que je suis totalement vierge de cet univers d'épouvante et autres fantaisies, mis à part quelques Stephen King et autres Chaire de poules qui sont mes uniques expériences en la matière, je me suis de ce fait lancée dans une aventure totalement neuve et inattendue !
Avec la couverture, ça commence fort, c'est un gros bouquin en forme de grimoire qui envoie du pâté quand on l'a sous les yeux. Un gros truc cartonné, avec des couleurs qui fonctionnent bien : les citrouilles orangées au premier plan et un ciel apocalyptique gris-bleu à l'arrière, des complémentaires donc reliées par un corbeau charbonneux à trois yeux et la Faucheuse sur un cheval grisonnant ; question couleur et composition, la couverture a été très soignée.  Malheureusement, les illustrations qui bourgeonnent au cœur du livre ne m'ont pas particulièrement plu - voire déçue puisque j'achetai le livre en partie pour les découvrir ; mais entre le papier qui ne change pas de qualité, les dessins noir et blanc trop ternes, partiellement pixelisés et/ou flous qui plus est (et ça franchement c'est chaud, l'illustration dans ce livre n'étant pas un détail mais une caractéristique qui est sensée fonctionner, ça plombe franchement le tout), à mi-chemin dans ma lecture j'ai fini d'espérer rencontrer des images qui me plaisaient pour me concentrer sur le roman en lui-même. Passée cette déception, recentrons-nous sur l'histoire. 
  Ludwig est un jeune gamin de 13 ans, vivant seul avec sa mère (on dirait fortement le début du Chardonneret mais je vous jure que ça n'a rien à voir), son père ayant quitté le foyer familial peu après sa naissance pour des raisons obscures. "L'ado" comme il est souvent appelé par le narrateur, n'a qu'un seul but : retrouver son père qu'il sait vivant. Sa mère au cœur brisé par son époux volatil aura pourtant tenté de l'en dissuader, mais c'est envers et contre tout qu'il se retrouve à suivre les traces de son père dans un univers... abracadabrantesque. 

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"Dans la cuisine aux lumières éteintes, six bougies coiffaient un gâteau d'anniversaire. Face à lui, sa mère souriait. Sous l'emballage cadeau qu'il émietta, le petit Ludwig exhuma une boîte de feutres neufs. La voix maternelle lui suggéra de faire un vœu. Obéissant, le môme formula son souhait tout haut 

- Je veux que Papa revienne.

Sa maman tressaillit. Elle fondit en larmes et quitta la table. 

Le bout de chou resta seul. Le cœur gros, il dessina sur la nappe. Un tronc, une tête, deux bras et deux gambettes... Un papa de papier tracé à l'encre verte." 

(extrait du IX, I, page 184)

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  Le roman se découpe en diverses parties et sous-chapitres qui se positionnent sous le point de vue de Ludwig, de sa mère Julia, mais aussi de son meilleur ami Gabriel. C'est également son seul ami, et pour cause, Ludwig est un garçon flippant qui s'adonne au spiritisme et autres pratiques pour entrer en contact avec les morts. En transe, il produit des œuvres étranges qui ne sont pas sans rappeler celles de son père, également artiste. Il finira par retrouver la trace de ce dernier avec qui il n'aura de contact qu'à travers des missives dégueulant de mystères, apportées par d'étranges corbeaux à trois yeux. C'est à l'occasion d'une fête foraine des plus étranges, animée par l'Abracadabrantesque festival, que Ludwig en apprend plus sur son père et sa disparition.
  Pour ce qui est du scénario, il est énorme, incroyablement bien fourni, beaucoup de péripéties vous attendent et vous ne serez pas déçus si vous êtes en quête d'aventures et de frissons ! M.Hauchecorne n'est pas radin en matière d'histoires farfelues et d'horreur, et il saura satisfaire votre imaginaire. 
  Au-delà de l'histoire, l'auteur a un style d'enfer. Rien ne pouvait mieux lui aller que de parler "fête foraine glauque", il en maîtrise parfaitement le langage : ça foisonne de descriptions, d'adjectifs, d'odeurs... C'est aussi un humour bien gras qui vous sera offert, m'écorchant parfois un rire à la tire ! 

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"Ludwig rejoint l'ancien presbytère. La bâtisse lui paraît d'une laideur hypnotique, ronde et délabrée comme le donjon d'un conte biscornu avec son toit gondolé. Son ciment lépreux dévoile ses entrailles de grosses pierres. La sonnette manque de l'électrocuter. Non contente d'être moche, l'édifice a sale caractère." 

(extrait du VIII, I, p.166)

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Cet ouvrage est un bijou, vous êtes assuré de passer une merveilleuse lecture. Les personnages portent tous tellement de défauts, il n'y a aucune idéalisation, tout est macabre, plein de retournements de situations, de petites intrigues et de danger. On ne sait jamais où l'on va. On n'a pas plus d'informations que les personnages que nous suivons. Nous sommes plongés dans un univers bien loin du notre, à l'orée du monde des vivants et des morts, perdus bien loin de nos repères. Et c'est tellement bien fait. 

Tous les tours proposés ne vous coûteront que deux sous. 



jeudi 7 avril 2016

Le Chardonneret, Donna Tartt (à la crème) (Non allez les gars, partez pas ! Soyez cools, quoi !)


Bon, si vous êtes en train de lire ces lignes c'est que vous avez pas fui devant cet affreux parpaing humoristique que j'ai lancé en travers la gueule de cette chère Donna. Mais vengeance, chacun son parpaing, toi, tu m'en as pondu un de 1050 pages, et j'ai tout lu. Tout. 
  
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  Le Chardonneret, c'est un best-seller (*applaudissements*) dont on apprend qu'il a remporté le prix Pulitzer sur la quatrième de couverture de l'édition Pocket. Et c'est assez étonnant de savoir qu'un tel pavé qui parle D'ART ait remporté un tel succès. Le Chardonneret en effet est une pièce magnifique d'un artiste peintre nommé Fabritius. C'est une occasion en or de réviser ses classiques (et même d'en découvrir) aux côtés de Théo, notre héro, qui dès les premiers chapitres nous frotte à un univers artistique très riche ; nombreuses y sont les références - ce genre de détails vrais, au sens où ils existent vraiment, donnent une profondeur non-négligeable à l'univers mis en place dans ce roman. Le livre est structuré en 6 grandes sections, titrées par des citations de grands écrivains (Rimbaud, Camus...), divisées en chapitres, eux-même fractionnés en sous-chapitres. C'est une œuvre colossale, extrêmement travaillée, structurée, achevée jusqu'à la moelle.


  L'histoire débute sur notre personnage, malade à en crever dans un lit à Amsterdam. Pourquoi est-il là ? Pour y répondre, Théo nous emmène à l'époque où il est un jeune garçon de 13 ans vivant seul aux côtés de sa mère avec qui il entretient une complicité sans pareil. Il tire par ailleurs sa culture et son goût prononcé pour l'art de cette dernière. Son père lui, un acteur raté doublé d'un alcoolique misérable, s'est tiré au Texas sans crier gare, abandonnant sa femme et son fils. C'est lors d'une visite au musée qu'un attentat emporte sa mère. Le millier de pages que comporte ce livre, c'est tout le processus de destruction et de reconstruction qui façonnera son existence. Toute sa vie, l'explosion qui a détruit son monde ne cesse de bourdonner en une douloureuse lame de fond au creux de son être. Par ailleurs, c'est lors de cet attentat qu'il se retrouve le détenteur du tableau, Le Chardonneret, auquel il vouera une véritable obsession. 
Cet ouvrage nous livre avec brio l'impact d'un trauma sur toute la durée d'une vie à travers un thriller intelligemment ficelé. Nous sommes face à un personnage véritable, avec beaucoup de profondeur. Ses angoisses maladives le poussent vers des actes dangereux, une vie biaisée, loin du confort d'une petite vie simple - auquel il est incapable d'avoir accès. On y découvre toute une poésie bleue, la désillusion, la souffrance avec un gigantesque S majuscule, le refuge dans les états seconds qui soulagent un trop plein de conscience.

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  Je reconnaitrais volontiers que lire ce livre jusqu'à la fin peut se montrer éprouvant. Certains passages sont très longs, il ne se lira pas rapidement ni forcément facilement. Le style n'a selon moi rien de complexe, rien d'inaccessible. Il faudra juste être concentré. Mais si vous êtes comme moi et que vous avez toujours envie d'en découdre avec un livre entamé, c'est un défi qui ne vous laissera pas sur le carreau, et vous n'y perdrez rien. C'est une belle œuvre à découvrir. Malgré quelques reproches que je pourrais faire comme beaucoup de morts "gratuites" tout au long du roman (mais je ne vous en dit pas plus, mon engagement solennel anti-spoil est sincère, je veux vous donner envie !), il reste néanmoins légitime dans son succès et vous pouvez vous y plonger sans aucun doute. Surtout si vous avez le même penchant que moi pour l'aspect psychologique des personnages plus que pour l'histoire en elle-même. Néanmoins, l'histoire saura jusqu'au bout vous tenir en haleine.
 

 

dimanche 3 avril 2016

1Q84, Haruki Murakami

Ceci est mon tout premier article - en dehors de ma présentation - et en gage de ma bonne foi...
*pose une main sur son coeur*
Moi, Lulla, je m'engage solennellement à ne pas vous spoiler le livre tellement fort que vous n'auriez plus d'intérêt à le lire,
Amen.



  C'est avec une œuvre du célèbre écrivain de Kafka sur le rivage que je vous propose de voyager aujourd'hui. 1Q84, c'est le nom d'une trilogie se déroulant au fil des saisons : Avril-Juin, Juillet-Septembre, Octobre-Décembre. Mais aujourd'hui, je ne vous parlerai que du premier tome (parce que j'ai lu que celui-là mdr). Nous suivons les vies respectives d'Aomamé et de Tengo, deux trentenaires qui ne se connaissent pas, séparés par des chapitres qui leur sont dédiés à tour de rôle. Comme vous êtes un lecteur aguerri, vous savez qu'on ne plante pas deux personnages au hasard dans le grand désert de notre histoire sans qu'ils n'aient jamais d'interaction ni aucun lien. Pourtant, même si on le sait, on le sait très fort au fond de nous, Murakami a décrété qu'on attendrait un bon gros bail pour nous dire en quoi ils sont liés - en somme, plus de la moitié du livre. 
  Aomamé, grande sportive, prof dans un club, massacre des sales types en douce avec un pic à glace dont on ne cesse de nous rabâcher l'existence à chaque fois qu'un focus est porté sur le sac de la demoiselle. Femme qui fait des folies de son corps avec des vieux au crâne chauve parce qu'elle trouve ça sexy, elle est sûre d'elle, intelligente, solitaire. C'est un personnage qui m'a longtemps fatiguée durant ma lecture. Au début je l'ai trouvée insignifiante, comme un personnage de roman qu'on nous présente et qu'on a encore pas vu à l’œuvre, puis très sincèrement chiante. J'ai du même coller des post-it sur des pages pour bien marquer "tu me saoules" sur les passages où ce n'était plus tolérable pour moi. Bon. Après avoir lu Kafka sur le rivage, petit pavé d'une huit-centaine de pages si mes souvenirs sont bons, je connaissais un peu la tendance de Murakami à nous saucer des scènes de cul un peu gratuitement et un peu dans n'importe quel contexte. Mais ça, c'est sa patte d'auteur, son regard sur ce qu'est l'être humain. Selon moi, Murakami traite un peu des variations du souvenir et de la pensée à travers ces soubresauts sexuels qu'il rajoute dans certaines scènes pourtant bien éloignées du sujet. Cela dit, quand ton personnage descend les escaliers de secours d'une aire d'autoroute et qu'elle repense à la fois où elle a joué à touche-pipi avec sa meilleure amie du lycée, on lève les yeux de son roman et on se demande ce qu'on fout là. Bien sûr, en lisant la suite et en y réfléchissant une nouvelle fois, j'expliquerais bien pourquoi une scène à ce moment là. Mais, j'ai juré de ne pas vous ôter l'intérêt de lire le livre, alors...
  Dans cette même scène de descente des escaliers, Aomamé aperçoit une araignée, statique sur sa toile parfaitement tissée, et admire sa patience. Elle réalise de surcroît que cette araignée est inconsciente de sa qualité qu'est la patience, qu'elle n'a pas de conscience de soi, contrairement à elle qui doit absolument descendre ses escaliers parce qu'elle a des choses importantes à faire en bas. Et c'est là que le personnage - ou l'écrivain ? - m'a énervée, en balançant une phrase fatigante dans un retour à la ligne pour la rendre bien percutante :
"Je bouge. Donc je suis."
*se racle la gorge* C'est chiaaaant. D'accord, elle établi entre elle et l'araignée une comparaison très philosophique, la conscience de soi, Descartes et tout le tralala. Mais ça franchement, c'était de trop. Tu bouges, l'araignée bouge, tout le monde bouge. 
  Tengo, professeur de mathématiques à l'Université, aspire à devenir écrivain. Lié de ce qu'on ne peut pas tout à fait qualifier "d'amitié" avec l'éditeur Komatsu, qui va lui demander de récrire un roman soumis au concours des jeunes auteurs, la Chrysalide de l'air, œuvre de Fukaéri, une jeune lycéenne de 17 ans. Tengo est un personnage empreint à des crises de malaise lorsqu'un souvenir de son enfance lui revient : sa mère se fait sucer les seins par un illustre inconnu. Ce souvenir au seuil de la réminiscence, le marque dans toute sa vie amoureuse. Néanmoins, il est nettement plus paisible qu'Aomamé. Moins torturé, plus sain d'esprit. Les chapitres qui lui sont dédiés sont plus propices à l'action et à l'échange que dans les chapitres consacrés à Aomamé, plus solitaire et réservée.

Au fil de ma lecture, j'ai donné plus de dimension à mes ressentis envers les personnages, plus de profondeur. Au début, j'étais plus que rebutée par Aomamé, qui, comme je le disais, manquait pour moi de ce quelque chose qui rend le personnage "vivant" et non crispant, faux, "too much", trop éloigné de la réalité. J'ai failli mettre un terme à ma lecture, tellement je ressentais le tout comme superflu. C'est en avançant que j'ai pu me dire "tiens, c'est peut-être pour ça que Murakami nous a collé une telle scène à tel endroit", "c'est peut-être pour ça que ce personnage a une telle dimension", et c'est en ça que je reconnais Murakami comme un écrivain hors pair, peut-être même un génie. Même s'il me fatigue un peu. 

Alors, je vous invite fortement à investir les quelques huit euros que coûte ce premier tome, parce que si vous souhaitez voyager et être déconcerté, ce livre ne va peut-être pas vous décevoir. Vous y trouverez une sexualité intime, qui n'a rien à voir selon moi avec de l'érotisme mais avec de l'humanité, vous y trouverez des personnages travaillés et uniques, parfois même fantastiques, ainsi qu'un monde parallèle, dont je ne vous parle pas dans cet article ; 1984 et 1Q84, sont deux réalités différentes que découvrent Aomamé et Tengo. Mais ça, je vous laisse le découvrir par vous-mêmes.


Avez-vous déjà lu des œuvres de Murakami ? Peut-être même celle-ci ? Réagissez vous aussi ! Vos avis m'intéressent !